dimanche 11 mars 2007

Sieck - Le Dossen - Histoire d'une école - 1887 - 1987

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1887 – Création d’une école à Sieck

Depuis 1860, la pêche à la sardine était activement pratiquée dans la baie de Sieck. Vers 1865 un négociant roscovite L. DESCHAMPS installa une conserverie sur l'île. Plus de cinquante personnes, en une dizaine de foyers, vivaient alors en permanence à Sieck.

Malgré la fermeture de l'usine en 1885, cette population demeura à l'île et le problème de la scolarisation d'au moins vingt enfants d'âge scolaire se posait.

En raison de l'éloignement de I'école du bourg et des contraintes dues à l'insularité, la municipalité de Roscoff demanda l'ouverture d'une école à Sieck en 1887.

Le nouveau propriétaire de l’île, Paul GUILLOUX appuya Ia requête en fournissant un local. Bien que l'Inspecteur de l'Instruction Publique eût émis de sérieuses réserves sur l'opportunité d'ouvrir une telle école en raison d'une part du faible effectif et d'autre part du nombre d'écoles déjà ouvertes sur la commune de Roscoff, une classe unique, mixte par nécessité, s’ouvrit donc à Sieck à la rentrée de 1887.

Mademoiselle Marie QUEMENER, institutrice stagiaire de 19 ans, y fut nommée. C'était son premier poste.

Installée dans des locaux peu appropriés, l'école posa sans doute divers problèmes de fonctionnement puisqu'en 1893 le poste fut supprimé...

1901- Réouverture de l’école

En septembre 1900, le conseil municipal de Roscoff sollicita le rétablissement de l'école mixte de Sieck et obtint satisfaction par la signature d'un arrêté ministériel en date du 30 mai 1901.

Dans le registre des délibérations du Conseil Municipal, de Roscoff est écrit à la date du 16 septembre 1901 : « Il y a aussi l'école du hameau de l'île de Sieck dont l'ouverture a été autorisée et à laquelle il a fallu fournir le matériel nécessaire après l'avoir préalablement mise en état de recevoir les enfants ».

Une institutrice, Madame Kerlero de Rosbo y fut donc nommée mais demanda un congé pour convenances personnelles afin de soigner ses enfants. A la rentrée 1902 / 1903 elle fut remplacée par Madame QUERE.

Le bâtiment servant d'école était une construction ancienne, datant de 1743, (règne de Louis XV). Cette vieille bâtisse au toit descendant bas dressait son pignon sud en façade, regardait la grève et s'ouvrait sur le chemin menant au port par une minuscule cour aux murets de pierres sèches. L'unique cheminée se dressait sur le pignon nord, recevant à la fois le conduit du poêle de la salle de classe et celui du logement de pêcheur qui occupait la moitié du rez-de-chaussée de la maison d'école.

L'institutrice logeait généralement dans la maison attenante.

Pour la location du bâtiment d'école, la municipalité de Roscoff versait un loyer à Madame de Kergariou, propriétaire de l'île. En 1920, Santec devint commune et assura la dépense (312 F en 1941).

24 ans à l’île de Sieck

A I'âge de 37 ans, Madame QUERE entamait une carrière dans l'enseignement en qualité de stagiaire. Nommée à Sieck en 1902, elle s'intégra à la vie de cette île fouettée par les vents, réglée par le rythme des marées. Vivant au contact des préoccupations des familles, elle se vit confier la clef de la citerne de l'usine désaffectée et devait veiIler à ce que chaque foyer pût disposer de deux seaux d'eau l'été et de trois l'hiver car, de toujours, le ravitaillement en eau de la population de l'île demeurait insuffisant.

En 1907-1908, l'école accueillait 32 élèves dont 19 garçons et 13 filles. Pour une moitié vivant sur l'île, 7 venaient du Dossen et 9 du Pemp-hent (croisement des 5 routes) à la sortie du Dossen. C'était un fort effectif pour une seule maitresse enseignant à des enfants d'âges différents dans un local assez rudimentaire. En fait, l'assiduité des élèves devait être inégale en raison des marées auxquelles il fallait se soumettre pour accéder à l'île ou pour la quitter.

La première guerre mondiale eut des répercussions notables sur la vie à Sieck. Le 30 septembre 1914 arriva en gare de Saint Pol de Léon un convoi de 351 civils allemands, autrichiens et hongrois résidant en France et retenus prisonniers à la déclaration de guerre du 3 août. Leur internement avait été prévu à Sieck, dans la conserverie.

Située à la pointe ouest de l'île, l'ancienne usine à sardines se composait de trois longs bâtiments formant un « U » autour d'une cour de 50 m sur 40, fermée à l'est par un mur avec entrée charretière, mur qui fut rehaussé et garni de verre sur la crête. A l'étage des bâtiments ouest et sud logeaient dès avant la guerre des familles de pêcheurs.

L' île retrouva une activité particulière en raison des transports que nécessitait le fonctionnement du camp. Les îliens côtoyaient donc les militaires assurant la garde des détenus et à l'occasion les détenus eux-mêmes dont la main-d'oeuvre fut utilisée pour réparer certains tronçons du chemin menacé d'éboulement et pour paver l'accès de l'île.

A la fin du printemps, quand les algues ramassées ou coupées, mises en tas sur la dune ou près des maisons, étaient suffisamment sèches, commençait le brûlage du goémon selon une pratique venue de Plouguerneau. Alors sur l'île s'allumaient des feux dont les fumées, mèches blanches et cotonneuses vite dispersées par le vent, se repéraient de loin.

Dans de longues fosses étroites et empierrées les laminaires se consumaient, bouillie grisâtre et épaisse qui, en se solidifiant, formait des pains de « soude » de plusieurs dizaines de kilos. On venait alors chercher la maîtresse d'école qui procédait à la pesée des blocs. La surveillance des élèves était confiée momentanément à quelque sous-officier en poste à l'île.

Parfois la fumée âcre des fours allumés derrière l'école envahissait le hameau et la salle de classe. On quittait alors le banc et la table pour la dune proche, l'ardoise en main.

Quand, à la belle saison, Madame de Kergariou venait à l'île visiter ses locataires, l'école fermait ses portes : c'était jour de congé.

En 1926, Madame QUERE , âgée de 61 ans, prit sa retraite après avoir enseigné 24 ans à Sieck.

Avant-guerre

Mademoiselle Pascaline ELIES succéda à Madame QUERE, mais, dès le mois de janvier 1927, elle contracta une maladie pulmonaire qui lui fut fatale.

Mademoiselle LUCAS la remplaça quelques semaines, puis Mademoiselle RANNOU occupa le poste jusqu'en 1930. De 1930 à 1932, Mademoiselle LUCAS fut nommée de nouveau à l'île.

La vie à Sieck ne changeait guère, les marées et la pêche. .., la pêche avec ses dangers quotidiens. Quand, dans le brouillard, les bateaux cherchaient des repères pour regagner le port, les femmes, sur l'île, tentaient de les guider soit en allumant des lampes-tempête, soit en lançant des appels dans des bouteilles sans fond, sortes de corne de brume.

Les hommes pêchaient la sardine, les femmes la vendaient. Dés que l'île « décernait », elles passaient sur le continent poussant leurs brouettes au besoin jusqu'à Saint Pol de Léon et Roscoff. A l'époque de la coupe autorisée du goémon, les enfants accompagnaient leurs parents sur les grèves, délaissant la classe pour quelques jours. Puis venait la saison du brulage des « calcuts» dans les fours à « soude ».

A l'école, la maitresse avait appris à connaître le moment précis iI fallait libérer les enfants devant regagner le Dossen car ses petits élèves écourtaient volontiers la classe en trichant sur la marée montante.

L'institutrice avait toujours la charge de la clef de la citerne de l'usine et on lui recommandait d'être intransigeante dans la distribution de l'eau qu'il fallait répartir avec équité et sans gaspillage.

Les jours de lessive, les femmes faisaient tremper le linge dans des baquets, le frottaient puis l'étendaient sur l'herbe rase derrière l'école. Ensuite, elles jetaient de l'eau savonneuse sur les pièces de linge maintenues au sol par des galets. Avec les beaux jours revenait le temps de la grande lessive. Les femmes se rendaient alors par le bois du Dossen jusqu'à la rivière, au « Pount ar Chantel», portant leurs charges dans des brouettes ventrues servant à la récolte du goémon.

A Mademoiselle LUCAS succéda Mademoiselle MALGORN. En 1938 et 1939 , MademoiseIIe SALAUN enseignait à SIECK.

1941 – Un remplacement à Sieck

Madame PRIGENT a gardé des souvenirs précis d'un remplacement qu'elle effectua, jeune fille (Melle BODROS) à Sieck en 1941. En 1986, elle retrouve l'île de Sieck, 45 ans après...

Comme autrefois, le chemin qui serpente de long de la grève invite le promeneur à poursuivre sa route jusqu'au bout. Plus iI avance plus iI est pris sous le charme de la mer, du vent, de la lumière, de l'horizon qui s'éloigne... de l'odeur du goémon.

La découverte du port avec son môle neuf est une surprise. La présence de canots, d'embarcations diverses témoigne de la fidélité et de l'activité de la population du Dossen. Le coeur de l'île est là...

Plus de poneys en liberté.. les ruines de l'usine, des petites maisons et du « Pavillon » gardent pour toujours le silence.

Grise avec ses rochers, ses murets de pierres sèches blanchis par la pluie et les embruns, l'île va bientôt se parer de fleurs : tamaris et oeiIlets roses, déjà en boutons, s'épanouiront jusqu'aux rochers de la côte. Les ajoncs taillés par le vent y mettront des plaques d'or. La mer, le ciel, les fleurs tant de couleurs en feront un spectacle doux et changeant.

La vie s'écoulait au rythme des marées, des occupations des pêcheurs, réservés et discrets. Toute rencontre donnait l'occasion de parler amicalement de choses banales mais cependant importantes : le temps, la mer, la nature en général. Ils semblaient sereins et bienveillants mais n'extériorisaient guère leurs sentiments. Se rendre service était naturel, sans grandes démonstrations ni commentaires.

S'il survenait un évènement grave : découverte du corps d'un aviateur anglais échoué sur les rochers, Allemands menaçant de mitrailler les bateaux de pêche qui ne rentraient pas assez vite au port... , les femmes se groupaient, échangeaient leurs inquiétudes et appelaient l'institutrice pour prendre part aux discussions. Sitôt le danger passé, tout le monde reprenait son calme ; en silence, chacun rentrait chez soi. C'était le calme après la tempête. Etait-ce la mer qui les avait ainsi pétris ?

Dans leurs petites maisons humbles, sans confort ils étaient à l'étroit mais, riches ou pauvres, ils semblaient y être heureux et s'y plaire. Ceux qui ne s'y plaisaient pas n'y restaient pas. La sélection se faisait naturellement .

En octobre, novembre et décembre 1940, l' institutrice s'appelait Francine.

Un évènement la marqua profondément. L'abri de pêcheur contigu à la salle de classe était alors habité. C'était en novembre ou décembre, les mois noirs. Sa voisine, une vieille femme, tomba gravement malade. Francine fut témoin des allées et venues des voisins et parents, tristes, silencieux et inquiets. De sa classe elle percevait les gémissements de cette femme qui souffrait, signes d'une agonie pénible. Seule dans sa maison, Francine était anxieuse. La vieille femme mourut. L'enterrement devait avoir lieu à Santec à 10 h selon l'usage.

Le lendemain matin vers six heures, le char à bancs funèbre arriva. La mise en bière se fit à la hâte - la marée n'attendait pas. II faisait nuit, la tempête faisait rage et la mer montait, montait ! Le temps était compté. Au lieu d'aller au pas mesuré du cheval comme iI sied en pareilles circonstances, il fallut accélérer l'allure.

Francine assista au départ précipité du convoi funèbre et bientôt elle n'entendit plus le cahotement lugubre et le pas pressé du cheval. Ils disparurent dans la nuit. Parents et amis attendaient au Dossen.

Francine avait gardé de cette scène un souvenir angoissant la nuit, elle avait peur. N'avait elle pas assisté au passage de I'Ankou ?

En raison des difficultés du moment : solitude, heure des marées incompatibles avec les heures de classe, occupation allemande et couvre-feu, âpreté de l'hiver, rareté du ravitaillement...

Francine trouvait cette île hostile. La gentillesse des élèves n'avait pu compenser cet état de chose. Ce fut avec soulagement qu'elle reçut sa nomination pour l'école des filles de Santec en janvier 1941.

De l’île aux dunes du Dossen

A l'automne 1942, Mademoiselle OMNES, jeune institutrice remplaçante, fut affectée à Sieck. Elle logeait au Dossen et rejoignait sa classe dès que la marée le permettait, en compagnie de quelques enfants.

L'école ne comptait plus ,que 9 élèves. Le signal du retour était donné par l'un des garçons de l'île qui annonçait à la maîtresse le moment où le rocher de la grève servant de repère était atteint par le flot de la marée montante. Il fallait alors rejoindre le continent sans attendre.

Les Allemands n'avaient pas encore entrepris de fortifier l'île mais ils y assuraient une garde permanente et avaient plale port sous la surveillance d'un canon.

A la fin de juin 1943, une institutrice d'une cinquantaine d'années, Madame GUILLAMET, fut nommée à SIECK par décision administrative dictée par l'occupant. Pour ne pas laisser Mademoiselle OMNES sans poste, elle se contenta de conseiller sa jeune collègue et demanda le transfert de l'école sur le continent en raison des marées, du mauvais état de la classe et des travaux militaires.

A la rentrée 1943-1944, Mademoiselle OMNES retrouva l'école de Sieck installée au Dossen dans un local appartenant à Madame ROLLAND.

A partir du mois d'août 1944, s'effectua le déminage du littoral. Mines et obus désamorcés furent entreposés dans les garages de l'hôtel du Roch Treas. Le samedi 25 septembre, vers 11 h 30, se produisit l'explosion du dépôt. La catastrophe fit seize victimes et occasionna de gros dégâts au Dossen.

L'école dut à nouveau trouver un autre toit. On la transféra dans une maison proche de l'école actuelle, puis on l'installa dans un baraquement que la municipalité avait fait venir de BREST.

L'effectif de la classe unique, s'enfla pour atteindre 32 élèves en 1945, et, à l'inspecteur, Monsieur THOMAS, qui lui promettait une seconde classe aussitôt que 40 enfants seraient scolarisés, Mademoiselle OMNES répondait qu'elle ne trouverait plus un seul nom à inscrire.

En 1946, Mademoiselle PENSEC remplaça Mademoiselle OMNES.

En 1954, Mademoiselle TRIVIDIC était en poste dans la baraque à classe unique.

Enfin s'ouvrit une deuxième classe et l'école une fois encore émigration..

Pendant deux années scolaires, elle fonctionna dans les anciennes écuries du Dossen, devenues colonie de vacances de la ville de Landerneau, en attendant qu'une école neuve soit construite.

Vers la mi-juin 1957, les deux classes emménagèrent dans les nouveaux bâtiments, sous la direction de Madame GODEC.

En septembre 1963, Madame MUZELLEC devint directrice tandis que Madame CORRE assurait l'enseignement dans la petite classe.

En 1966, Monsieur François PORCHER obtint la direction de l'école et en 1969 s'ouvrit une troisième classe, la maternelle, dans une construction préfabriquée que remplaça en 1978 un bâtiment spacieux et fonctionnel.

Sources :

Souvenirs d'élèves, d'institutrices... Archives Départementales du Finistère Archives Municipales de Roscoff Inspection Académique - Presse : Le Télégramme.

A toutes les personnes qui ont permis de retracer la vie de notre petite école du Dossen, en évoquant leurs souvenirs, en prêtant des cartes postales anciennes et des photos, merci.

  • Le Dossen, Le dimanche 22 juin 1986
  • Documentation, rédaction, réalisation :
  • Jean.Claude LE GOFF - rue du Theven Braz Le Dossen.
  • Collaboration technique :
  • Mme Patricia DIAZ - Le Dossen.
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Les pièces jointes vous pourrez les lire dans l'album de photos :
  • 2 courriers de 1887 - Création d'école
  • 2 courriers de 1901 - Réouverture de l'école
  • Liste des élèves - Année 1907/1908
  • 2 photos de classes de 1958
  • 3 articles de presse concernant la nouvelle école au Dossen en 1956/1957

2 commentaires:

Coup de coeur a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Anonyme a dit…

C'est pour dire qu'on est venu visiter ton blog.
MT&G